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Présentation scientifique

Au sein du Centre de Recherches Historiques, le groupe AHMOC est né d’une réflexion menée en commun par un certain nombre d’historiens depuis plusieurs années autour des « approches historiques du monde contemporain ».

L’idée prévaut en effet que le prisme politique, entendu au sens le plus large, permet d’aborder les grandes questions qui ont traversé nos sociétés au XIXe et XXe siècles. La définition de cet objet politique détermine en retour une démarche historique qui cherche à tisser ensemble les fils de la nation, de l’Etat et de la société et de leurs formes telles qu’elles se mettent en place dans le monde occidental depuis la fin du XVIIIe siècle. Ainsi se trouvent délimités à la fois un espace du contemporain qui répond à un ensemble de caractéristiques communes et les formes de l’enquête historique.

Il s’agit donc de dépasser l’histoire de la seule vie politique pour s’engager dans une démarche qui, au travers de l’histoire des régimes, des instruments de gouvernement, des idéologies et des engagements, se réclame d’une anthropologie historique dont l’horizon serait défini par les pratiques, les savoirs et les représentations politiques.

Ainsi s’explique la place privilégiée que tiennent certains objets historiques autour desquels se focalise l’enquête, choisis non seulement au regard de leur rôle matriciel pour l’ensemble du siècle mais aussi en raison de leur dimension totalisante qui permet de faire jouer entre eux les différents moments de nos sociétés. C’est le cas par exemple de l’activité guerrière mais aussi des phénomènes de pouvoir et de violence, jusque là cantonnés aux strictes limites d’une histoire traditionnelle, et pour lesquels on n’hésite pas à parler de « désenclavement ». La guerre ou les dictatures sont en effet désormais envisagées dans une dimension qui dépasse leurs conséquences politiques directes à travers les formes de structuration des sociétés mais aussi les expressions individuelles ou collectives qu’elles suscitent bien après leur apparition. De la même façon les politiques économiques et sociales sont comprises comme un des éléments de l’action publique mettant aux prises une pluralité d’acteurs, d’institutions, de processus de décision, de dispositifs juridiques et administratifs, d’expertises et de conflits.

La spécificité politique de cette approche tient tout d’abord à l’effort toujours renouvelé de tenir ensemble individus et société. L’instrument d’analyse privilégié que constituent les formes de l’expérience politique permet en outre non seulement de mettre en rapport les uns avec les autres les différents espaces d’une société ou les divers axes politiques mais de repenser une causalité historique en centrant l’analyse sur un échelon intermédiaire, où les représentations sont immédiatement réinvesties dans l’action. L’analyse de la notion d’engagement par exemple met en résonance les politiques, les pratiques individuelles ou collectives et le domaine des idées.

Dans cette approche qui combine plusieurs types de causalité, le discours historique joue un rôle central dans la mesure où, porteur de la dimension réflexive, il ordonne les différents niveaux de compréhension de l’événement. Non seulement comme instrument indispensable à la définition de la position de l’historien mais comme traces de l’histoire elle-même s’écrivant au fur et à mesure du développement de nos sociétés. Ceci explique la place que tient dans les travaux du groupe AHMOC cette forme de réflexion critique privilégiée que constitue le discours de l’histoire. Celui-ci est interrogé non seulement du point de vue des conditions qui entourent sa production (méthode, état de la discipline) mais aussi dans son interaction avec la société, les représentations sociales à l’œuvre et les comportements individuels qu’il détermine.

Le chantier qui réunit les historiens d’AHMOC affirme donc son ambition dans la mesure où le lien politique ouvre en même temps sur une réflexion concernant les formes d’existence de l’histoire. Aussi celle-ci est-elle alors interrogée non seulement pour elle-même mais dans la façon dont elle-même prend en charge la construction de nos sociétés. En même temps qu’il en est l’issue, l’objet politique traduit la dynamique de celles-ci dans ce qu’elles ont de plus violent ou conflictuel, comme dans leurs tentatives d’organiser le consensus et le dialogue. Il fait donc intervenir l’ensemble des représentations sociales. Il s’agit ici de croiser une histoire des savoirs et des pratiques savantes qui interrogent les usages et les représentations –au premier rang desquelles la pratique historique – et de mettre en œuvre une démarche réflexive qui se situe au croisement des politiques et de la pensée, dans une confrontation critique des positions prises sur le terrain par les acteurs et des textes au travers desquels eux-mêmes ou leurs successeurs entendent inscrire ces actions elles-mêmes.

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