Responsables : Laura Lee Downs, Jordi Canal
La réflexion sur la figure du politique aux XIXe et XXe siècles est au croisement de l’ensemble des travaux du Centre. Les recherches entreprises ici visent à développer une histoire politique renouvelée appuyée sur la notion cardinale d’« expérience politique ». Celle-ci ne comprend plus la « politique » au sens étroit du terme des partis ou des institutions mais inclut en suivant les développements les plus récents de l’historiographie les pratiques et les représentations. L’idée prévaut en effet que nos sociétés contemporaines sont traversées de part en part d’une empreinte politique.
La Révolution française a institué une nouvelle figure: l’homme politique, vivant, selon la formule de Max Weber, de et pour la politique. Son existence sociale ne dépendit désormais plus du seul fait du prince. Soumis au régime de l’opinion, l’homme politique des XIXe et XXe siècles dut se plier au jeu de la représentation. Délégué du peuple, il lui revint la mission de convaincre par la mise en œuvre d’une action et d’une présentation de soi. Ces deux dimensions qui le légitiment ont organisé les travaux d’un séminaire en 2004 et 2005. La première a relevé d’une enquête sur la définition de la fonction et appelle plusieurs questions: quel périmètre et quels moyens d’action? Quelles pratiques de pouvoir et quelles justifications de ces pratiques? Quelles filières de formation et quelles origines sociales? Quelles frontières entre le privé et le public? Quel statut et quels modes de légitimation? L’autre dimension qui a retenu l’attention a porté sur les stratégies conscientes et inconscientes présentes dans le « métier politique ». On s’est arrêté en particulier sur l’analyse des mises en scène de soi repérables dans différents types de sources écrites et audio-visuelles. Biographies et autobiographies, mémoires et confessions, images officielles et caricatures, reportages et interviews ont constitué un matériau privilégié pour cette étude.
Ce chantier ouvert en 2002 s’inscrit dans la continuité des deux précédentes thématiques est parti d’une expérience : étudier un événement presque dans son immédiateté : l’élection présidentielle d’avril-mai 2002 qui vit un candidat d’extrême droite arriver, pour la première fois, au second tour. Ce volet de recherche vise notamment à contribuer à éclaircir les rapports entre mémoire et histoire politique dans la France des XIXe et XXe siècles. Les grands événements qui structurent la mémoire nationale sont analysés ici. De l’affaire Dreyfus à l’élection de François Mitterrand, de la Libération à mai 68, il s’agit d’étudier le fil des événements, les diverses modalités de leur inscription dans le patrimoine historique et mémoriel des Français, et les formes multiples de leur expression. L’étude des grands événements, reconnus comme tels et largement représentés, veut apporter une nouvelle connaissance des relations entre enjeux historiographiques et usages politiques de l’histoire.
La question du phénomène démocratique mobilise également les travaux du séminaire d’histoire des pratiques et des représentations politiques à l’époque contemporaine.
Ses travaux se sont intéressés tout à la fois aux enjeux historiographiques et aux acquis empiriques des recherches actuelles. Partant d’un point de vue contemporain, les contributions ont interrogé les limites et les contradictions du système démocratique dans une perspective historique. Le cas français a certes été privilégié, mais une place importante a été accordée aux autres pays européens comme au continent américain. Enfin les situations de « transition démocratique », de « marche forcée » et de « révolution » ont retenu l’attention de ce séminaire.
Un autre axe relève davantage de l’histoire intellectuelle de la politique. Les recherches menées touchent tout à la fois à l’histoire des grands courants intellectuels qui ont animé la démocratie qui ont pris pour objet l’histoire de la démocratie. On s’intéresse tout particulièrement à l’histoire du socialisme aux XIXe et XXe siècle. A la croisée de l’histoire intellectuelle de la démocratie et de l’histoire de la Grande Guerre, on s’est aussi consacré à un thème important dans la mobilisation culturelle des années de conflit : la « guerre du droit ». Les critiques de la démocratie constituent également l’un des axes de ce domaine de recherches comme en attestent les travaux réalisés sur l’histoire de la contre-révolution, sur l’anti-intellectualisme voire sur les études d’auteurs comme Georges Sorel ou Charles Péguy, toujours en cours.
Les problématiques identitaires ont envahi le champ des sciences sociales. Constructions de soi, affiliations, appropriations, assimilations, etc., ont intégré l’horizon commun de bien des recherches. L’histoire politique n’y échappe pas. Elle a longtemps principalement défini les acteurs qu’elle privilégiait sur la base de leur appartenance idéologique. Elle s’est attachée à repérer des « familles politiques ». Elle a parfois mis en avant des « cultures politiques » voire des « sensibilités », dans un grand désordre intellectuel. En 2007-2009, le séminaire Histoire des représentations et des pratiques politiques revient sur l’ensemble de ces approches.
Le séminaire a pour objet l’histoire de la contre-révolution dans l’Europe du XIXe siècle, abordée du point de vue d’une histoire renouvelée du politique. La contre-révolution en Europe, mais particulièrement en Europe occidentale - la France, l’Italie, l’Espagne et le Portugal -; au XIXe siècle, dans un sens large, c’est-à-dire de la Révolution française à la Grande Guerre. L’histoire de la contre-révolution est abordée d’un point de vue comparatiste. La combinaison des échelles locale, régionale et nationale avec l’échelle européenne permet de mieux comprendre la nature des variantes d’un même phénomène au sein d’un cadre international : un processus de circulation des idées et des formes politiques, mais aussi des personnes, à travers les exils ou la participation à des luttes hors du propre pays, mais toujours pour la même cause, la lutte contre le libéralisme et la révolution. En deuxième lieu, elle privilégiera une durée relativement longue. L’analyse, qui porte sur un peu moins d’un siècle et demi, offre la possibilité de dessiner les évolutions et les changements, se démarquant de l’idée d’un immobilisme contre-révolutionnaire. Enfin, l’optique présentée abordera le sujet dans sa propre spécificité. La contre-révolution n’est pas une simple réaction à la révolution, qu’elle soit réelle ou imaginaire. Elle a une idéologie, des stratégies et des projets particuliers. Étudier l’objet dans sa spécificité ne doit pas inciter à oublier que révolution et contre-révolution font partie d’un même processus historique et établissent entre elles une relation dialectique permanente.
Le séminaire a pour objectif de réfléchir et d’établir un bilan des principales orientations sur l’histoire de l’Espagne contemporaine, ainsi que de présenter les méthodes et les axes des recherches en cours. Depuis quelques décennies, on assiste à un renouvellement historiographique marqué par l’ouverture à de nouveaux objets, l’introduction de problématiques plus vastes et un dialogue qui, désormais, dépasse le simple cadre national. Une partie du séminaire sera consacrée à présenter des états de la question sectoriels et thématiques et une autre à exposer des travaux et des lectures récents.
Notre programme souhaite réfléchir à la nature de cet ensemble, qu’il faudrait d’emblée définir, dans sa dimension européenne au moins, comme « britannique et irlandais ». Depuis le milieu des années 1970 et surtout le début des années 1980, suite à publication de deux articles de John Pocock sur la « New British History », la question de la Britishness occupe une place centrale dans les débats historiographique et politique de nos voisins. Parce que l’histoire britannique, mais aussi son historiographie, se situe à la rencontre de trois cercles distincts d’influence et de solidarité - l’Europe, le Commonwealth, les Etats-Unis - la réflexion sur la construction des identités nationales y a été particulièrement poussée. En fait, l’interrogation sur la nature politique de l’objet engage les études britanniques et irlandaises sur un double terrain: celui de la réflexion autour de la notion d’aires culturelles, employée pour rendre compte de l’expérience européenne et de l’expérience coloniale, et celui de la critique généralisée de l’appareil conceptuel des sciences politiques contemporaines, autour des notions d’Etat, de nation, de souveraineté, entre autres. Ce programme a donné lieu à un Programme de recherches interdisciplinaire (PRI).